France
Score 41
Aperçu de l'Observateur des droits sociaux
La France continue de faire face à des défis sociaux de plus en plus profonds, signale le Groupe de stratégie nationale (GSN), piloté par la Ligue de l'Enseignement. Bien que des progrèsaient été faits avec certaines initiatives, comme les Cités éducatives et les infrastructures cyclables, des problèmes majeurs persistent. Les réformes de l’éducations comme par example les Service national universelont soulevé les critiques, qui voient en ces réformes une exacerbation des inégalités. Les coupes budgétaires dans l’enseignement et l’emploi, ajoutées aux nouvelles lois sur l'immigration, menacent la protection sociale. L' érosion del'espace civique soulignes une érosion troublante des droits de et des libertés, et l'augmentation de la pauvreté est une grande menace pour la justice sociale. Progrès dans les domaines comme par example la mobilité durable est éclipsée par les coût croissant de et l'inégalité d'accès aux transport.

Score 30
Égalité des chances et accès au marché du travail
Éducation, formation et apprentissage tout au long de la vie
L’état de l’éducation en France s'est aggravé en 2023 sous le mandat du président Emmanuel Macron, indique le GSN. En octobre 2023, l’ancien ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Gabriel Attal, a annoncé le « choc des savoirs ». Cette réforme est entrée en vigueur en septembre 2024, à l’occasion de la rentrée scolaire, avec comme mesure phare une nouvelle organisation des cours de mathématiques et de français en plus petits groupes répartis selon les nécessités pédagogiques.[1] Cette initiative vise à élever le niveau d’éducation atteint en organisant des cours de mathématiques et de français en groupes séparant les élèves par niveau. La taille des classes sera réduite à une quinzaine d’élèves avec le niveau le plus faible. Cette mesure entend remédier au déclin des niveaux, mais le personnel enseignant et la société civile sont critiques et arguent qu’elle ne fera que renforcer les inégalités sociales en isolant les élèves en difficulté, qui viennent souvent de milieux socio-économiques défavorisés.[2] Ces mesures mettent en place une sorte de système de sélection précoce en fonction des performances scolaires, ce qui risque - avec l’introduction de politiques de plus en plus sélectives en 2017 [3] de creuser les écarts plutôt que de les combattre. Les Céméa (Centres d'Entraînement aux Méthodes d’Éducation Active) critiquent cette mesure en la qualifiant d’inefficace du point de vue pédagogique et en montrant du doigt les échecs dans sa mise en œuvre les années précédentes. Ces dernières décennies, nombre d'expérimentations de programmes scolaires avec des objectifs semblables ont été lancées sans succès.[4] Les Céméa font également remarquer que la réussite de cette mesure est improbable sans l’apport significatif de ressources financières et humaines, mais le système de l’éducation nationale est actuellement en situation de sous-financement. Une semaine après la rentrée 2024, une enquête menée par deux syndicats enseignants a révélé qu’environ deux tiers des collèges n'avaient pas mis en place les groupes de niveaux comme prévu. Outre les ressources déficientes, certain·e·s enseignant·e·s et parents d’élèves rejettent également le « tri social » que suppose la réforme.[5]
L’annonce du président Macron début 2024 d’un plan pour le « réarmement civique » des jeunes via le service national universel (SNU) a déclenché de fortes critiques parmi la société civile, nombre d’associations s’opposant à sa généralisation à un groupe d’âge entier. Macron a déclaré que la première phase du SNU, qui consiste en un séjour de cohésion de 12 jours et se focalise sur l’éducation civique, deviendra obligatoire pour tou·te·s les jeunes de 15 à 17 ans qui entrent au lycée. Il a argué que la réforme et le concept de « réarmement civique » visaient à instiller aux jeunes les valeurs françaises et européennes et à renforcer leur attachement à la République française. Toutefois, l’inclusion de composantes militaires au programme, comme la journée au sein de l'armée, les cérémonies de lever de drapeau et les uniformes, a suscité des critiques, car cela ressemble à une forme de service militaire, qui n’est plus obligatoire. Après avoir effectué les 12 jours, les participant·e·s auront la possibilité de poser leur candidature à des offres de bénévolat dans une organisation de la société civile (OSC). Bien que la déclaration de Macron indique que la participation sera obligatoire, ceci n’a pas encore été mis en œuvre. Il est important de noter que le SNU n’a rien de nouveau : depuis 2019, le service national universel a été testé dans différentes régions, principalement sur une base de volontariat. Cependant, 37 % des places financées n’étaient pas occupées en 2023, en dépit des efforts du gouvernement pour accroître la participation. Dès 2018, un rapport d’information parlementaire soulignait le manque de ressources humaines et de préparation chez les autorités nationales et locales compétentes lors du large déploiement du programme.[6] Pour toutes ces raisons, l'idée de rendre obligatoire la première phase du SNU a été mise de côté pour le moment.
Les Céméa affirment que le SNU manque de soutien parmi la communauté éducative, qu’il ne dispose pas de ressources financières suffisantes, que les superviseurs sont mal formés et que tous ces facteurs portent atteinte à son efficacité.[7] Selon les Céméa, l’éducation populaire serait une meilleure façon d'atteindre les objectifs du programme de partage des connaissances et de renforcement des principes et valeurs républicaines. Les syndicats enseignants s’opposent au service national universel sur deux points essentiels : l’énorme investissement financier au beau milieu de coupes budgétaires dans le domaine de l’éducation et le risque d’endoctrinement des jeunes par des pratiques de style militaire tels que le lever de drapeau et la discipline stricte.[8] Ces deux aspects leur semblent être en contradiction avec le rôle de l’école, qui promeut la pensée critique et l’émancipation de la jeunesse par le savoir.[9]
La réforme de l’enseignement moral et civique (EMC) a suscité des inquiétudes du même ordre, les syndicats craignant l’accent mis sur le respect de l’ordre au détriment de celui mis sur la citoyenneté libre et la tolérance.[10] Ces inquiétudes ont pris de l’ampleur lors des émeutes urbaines de 2024, qui ont suivi la mort du jeune Nahel Merzouk, âgé de 17 ans et tué par des policiers à bout portant, suite à un refus d’obtempérer lors d’un contrôle routier de routine, alors qu’il conduisait dans une voie de bus.[11] Même si le ministre de l’Éducation a annoncé en 2023 que les heures d’EMC seraient doublées,[12] le Journal officiel du 15 mars 2024 ne montre aucune modification des programmes scolaires pour la rentrée 2024 concernant l’EMC.[13]
En 2023, les contributions à la formation continue ont été introduites, exigeant des employé·e·s de participer à hauteur de 10 % des coûts de leur formation. La société civile affirme que cette mesure touche de façon disproportionnée la classe ouvrière, en limitant l’accès à des formations nécessaires face à un marché de l’emploi en constante évolution.[14] Au début de 2024, un décret a annulé 691 millions € du budget de l’éducation et 863 millions € de développement de l’emploi, impactant considérablement les budgets scolaires et de l’éducation des adultes. Les coupes ont eu un impact sur les secteurs tels que le travail social et les activités extrascolaires, pour lesquels une formation continue est cruciale, et peuvent potentiellement nuire aux organisations qui proposent une éducation dite populaire. La loi finances 2023 pour 2024 stipulait des coupes de 691 millions € pour le ministère de l’Éducation et de 904 millions € pour le ministère de l’Éducation supérieure et de la Recherche. Les coupes budgétaires 2024 à hauteur de 386 millions € pour l’éducation primaire et secondaire illustrent bien le déclin grandissant des ressources éducatives, qui s'est poursuivi en dépit des précédents avertissements de la société civile.[15] Alors que les nécessités se font de plus en plus criantes en raison de la montée de l'insécurité et de mauvaises politiques d’éducation publique, ces coupes font empirer les conditions de travail des enseignant·e·s, limitent les apprentissages extrascolaires et suppriment un soutien essentiel (comme les infirmières, infirmiers et psychologues employé·e·s par le ministère de l’Éducation pour intervenir dans les établissements scolaires), laissant les enfants vulnérables sans l'aide dont ils et elles ont besoin. Le décret du 29 novembre 2023 a introduit un stage obligatoire de 15 jours en juin 2024 pour les élèves de seconde générale et technologique[16] Cette mesure vise à compenser la pause estivale précoce qui résulte de l'absence d'examens de fin d'année comme pour les étudiants plus âgés. Les étudiants de première année terminent souvent leurs cours au début du mois de juin, ce qui les prive d'école pendant près de trois mois. Le stage a pour but de maintenir l'intérêt des étudiants pendant cette période. Toutefois, les syndicats d'enseignants se sont inquiétés des difficultés logistiques et organisationnelles rencontrées par les écoles dans la mise en œuvre de ce programme.
Bonne pratique
Ces dernières années, l’État français a promu les Cités éducatives, des initiatives locales qui entendent améliorer le soutien scolaire dès la petite enfance jusqu’aux 30 ans, en collaborant avec différentes communautés et acteurs. La Ligue de l’enseignement appelle à de nouvelles politiques d’éducation qui fonctionnent d’une façon semblable : en étant ancrées à l’échelle locale et avec de plus grandes ressources attribuées par les collectivités locales. Un bon exemple de cité éducative est le quartier Planoise de Besançon, où 20 établissements scolaires participent au programme, en œuvrant à faire participer les familles, à offrir de l'aide aux devoirs et d'autres activités telles que les sports et la participation civique, et afin de favoriser la compréhension mutuelle entre parents, enfants, éducateurs et éducatrices.[17]
Inclusion des personnes migrantes, réfugiées, demandeuses d’asile, minorités et autres groupes vulnérables
En décembre 2023, l’Assemblée nationale française a adopté une loi immigration qui durcit les conditions d’accès aux aides sociales pour les ressortissant·e·s de pays tiers. Ceci inclut les allocations familiales, les aides personnelles au logement (APL), les allocations de rentrée scolaire (versées annuellement aux familles à faibles revenus pour l'achat de fournitures scolaires), et les allocations personnalisées d’autonomie (APA), qui offrent un soutien financier aux personnes de 60 ans et plus ayant besoin d’une aide aux soins. Selon la loi, les résident·e·s de pays tiers doivent attendre cinq ans avant de pouvoir bénéficier de ces aides s’ils et elles ne travaillent pas et 30 mois si ils et elles sont en situation d’emploi.[18] Pour répondre à cela, 45 associations et syndicats, notamment la Fondation Abbé Pierre, Oxfam et SOS Racisme, ont signé une tribune exhortant le gouvernement à ne pas promulguer cette loi et ont appelé à poursuivre la mobilisation pour s’y opposer[19] Le Conseil constitutionnel français a censuré certaines parties de la loi le 25 janvier 2024, rejetant ses restrictions sur les aides sociales.[20]
Les personnes migrantes sans papier, qui représentent la moitié des sans-abri en France, restent particulièrement vulnérables. La Ligue de l’enseignement a fortement critiqué la loi, dénonçant les restrictions dans l'accès à la santé et l'aggravation du risque de pauvreté.[21] L’organisation met en garde : une telle loi porterait atteinte au droit de séjour, limiterait les permis de séjour et priverait les personnes vulnérables de prestations essentielles, notamment le logement et l’hébergement d’urgence. Selon la Ligue des droits de l’Homme,[22]la situation des ressortissants et ressortissantes étrangères s’est détériorée à cause de la dématérialisation généralisée des processus administratifs. Les guichets physiques pour les ressortissants et ressortissantes étrangères n'existent plus, tout doit désormais être fait en ligne, ce qui rend toujours plus difficile d'entreprendre les démarches ou de renouveler les permis de séjour. La loi sur l'asile et l’immigration exacerbe ces problèmes en introduisant des conditions encore plus strictes d'accès aux aides sociales et aux permis de séjour. L’une des exigences les plus problématiques étant la maîtrise de la langue, une exigence considérée comme discriminatoire, qui crée des barrières non seulement pour celles et ceux qui ne parlent pas le français, mais également pour les personnes porteuses de handicap ou moins instruites.
[1] Ministère de l'Éducation nationale (2024), Choc des savoirs, une nouvelle ambition pour le collège : https://www.education.gouv.fr/bo/2024/Special2/MENE2407076N
[2] Conseil économique, social et environnemental (2024), Réussite à l'Ecole, réussite de l'Ecole : https://www.lecese.fr/actualites/reussite-lecole-reussite-de-lecole
[3] Parmi ces mesures se trouve l’introduction de « Parcoursup » en 2018, un système en ligne admettant de façon sélective les élèves dans les établissements d’enseignement supérieur selon leurs relevés de notes. La réforme du baccalauréat de 2021 permet aux élèves de se spécialiser plus tôt, ce qui bénéficie souvent aux milieux les plus favorisés. De plus, les sections européennes et bilingues ont été réintroduites dans les écoles, pour attirer les meilleur·e·s élèves. À Paris, les secteurs « multi-collèges » visent à réduire la ségrégation sociale en groupant plusieurs collèges au sein d’un même secteur, même s’ils restent sélectifs géographiquement parlant.
[4] Cémea (2023), Sans Tabou ! Pour une réelle coéducation : Sans tabou ! pour une réelle coéducation (cemea.asso.fr)
[5] L'Humanité (2024) "Choc des savoirs" : Au collège, les groupes de niveau virent au fiasco, https://www.humanite.fr/societe/choc-des-savoirs/choc-des-savoirs-au-college-les-groupes-de-niveau-virent-au-fiasco
[6] Assemblée Nationale (2018),Rapport d'information déposé par la commission de la défense nationale et des forces armées sur le service national universel : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_def/l15b0667_rapport-information
[7] Cémea - France (2023), SNU, pourquoi pas, mais pas dans la version actuelle : ESNU, pourquoi pas, mais pas dans la version actuelle... (cemea.asso.fr)
[8] Carenews (2023), Pourquoi le service national universel (SNU) suscite-t-il autant de craintes ? : https://www.carenews.com/carenews-info/news/pourquoi-le-snu-suscite-t-il-autant-de-craintes
[9] Francetvinfo (2024), "Généralisation du SNU : "Ca représente 50 000 postes d'enseignants et un million d'heures de cours perdues", déplore le SNPDEN-Unsa : https://www.francetvinfo.fr/societe/education/service-national-universel/generalisation-dusnu-ca-represente-50-000-postes-d-enseignants-et-un-million-d-heures-de-cours-perd)uesdeplore-le-snpden-unsa_6336904.html
[10] Ministère de l'éducation nationale (2023), Enseignement moral et civique : Pap Ndiaye précise la refonte de ce temps d'enseignement : https://www.education.gouv.fr/enseignement-moral-et-civique-pap-ndiaye-precise-la-refonte-de-ce-temps-d-enseignement-378554
[11] France24 (2023), Le policier français qui a tué l'adolescent Nahel, déclenchant des émeutes, est libéré dans l'attente de son procès pour meurtre : https://www.france24.com/en/france/20231115-france-releases-policeman-behind-killing-of-teenager-nahel-that-sparked-nationwide-riots
[12] Le Figaro étudiant (2023), "A partir de 2024, les heures d'enseignement moral et civique seront doublées : https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/03/12/enseignement-moral-et-civiquedoublement-de-l-horaire-refonte-des-prog
[13] Légifrance (2024) "Journal officiel électronique authentifié n° 0065 du 17/03/2024" : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049286467
[14] Vie publique (2024), "Loidu 29 décembre 2023 de finances pour 2024" : https://www.vie-publique.fr/loi/291190-loi-du-29-decembre-2023-de-finances-pour-2024-budget-plf#un-d%C3%A9cret-dannulation-de-cr%C3%A9dits-de-10-milliards-deuros
[15] L'Etudiant EducPros (2024), "Budget 2024 : dans l'éducation comme dans le supérieur, les économies annoncées inquiètent" : Budget 2024 : dans l'éducation comme dans le supérieur, les économies annoncées inquiètent - L'Etudiant - Educpros (letudiant.fr)
[16] En France, les lycées d’enseignement général préparent principalement les élèves à l’enseignement supérieur, comme les universités. Les lycées d’enseignement technologique ont les mêmes objectifs mais avec un programme plus spécialisé, davantage focalisé sur les sciences appliquées et les technologies. Ces types de lycées sont souvent combinés.
[17] La Ligue de l'Enseignement (2021), Rapport d'Activité de la Ligue de l'enseignement : https://laligue.org/uploads/2023/05/rapportactivite2021.pdf
[18] Légifrance (2024), Journal officiel électronique authentifié n° 0022 du 27/01/2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049040245
[19] La Cimade (2023), Appel : Nous, syndicats, associations, appelons à ne pas promulguer la loi immigration et à continuer la mobilisation : Appel : Nous, syndicats, associations, appelons à ne pas promulguer la loi Immigration et à continuer la mobilisation - La Cimade
[20] Francetvinfo (2024), Projet de loi immigration : le Conseil constitutionnel censure largement le texte, notamment les restrictions d'accès aux prestations sociales et au regroupement familial :
[21] La Ligue(2024), Non à la promulgation de la loi immigration ! : Non à la promulgation de la loi immigration ! - La Ligue de l'enseignement
[22] Ligue des Droits de l'Homme (2023), Les diasporas et les collectifs de sans-papiers appellent à des politiques migratoires humaines pour bâtir un projet de société solidaire et inclusif : Les diasporas et les collectifs de sans-papiers appellent à des politiques migratoires humaines pour bâtir un projet de société solidaire et inclusif - LDH (ldh-france.org)

Note 53
Conditions de travail équitables
Économie sociale et solidaire
Bien que le gouvernement français ait créé un secrétariat d'État et une feuille de route pour l’économie sociale en 2023, les actions concrètes manquent à l'appel, signale le GSN. Le milieu associatif attendait des ressources et des discussions avec le gouvernement sur ces questions, sans les obtenir pour autant. La Commission économie et finances a reconnu la contribution précieuse de l’économie sociale et solidaire (ESS) à
la société en général, en soutenant l'appel à des fonds publics. Toutefois, aucune action décisive ou de suivi n'a été prise sur ces engagements.[1]
En novembre 2023, la ministre déléguée aux petites et moyennes entreprises, Olivia Grégoire, a dévoilé une feuille de route pour l’économie sociale et solidaire.[2] Le plan comprenait de nommer Maxime Baduel au poste de délégué ministériel à l’ESS et de relever le plafond qui oblige actuellement les fonds d’investissements solidaires à réinvestir entre 5 à 10 % de leurs actifs dans des organisations solidaires. Le plan introduisait également des mesures pour renforcer les partenariats entre l’ESS et le secteur privé à but lucratif, telles que des mesures incitatives pour les entreprises à passer commande auprès d’entités de l’ESS et la création de « contrats à impact » pour rembourser les acteurs privés qui financent des projets sociaux ou environnementaux réussis.[3] Le contrat permet au gouvernement français d’étendre les solutions développées par les organisations de l’économie sociale. Le projet est financé par un ou plusieurs investisseurs privés, qui sont remboursés par l’État, en fonction de la réussite du projet. Même si les représentant·e·s du secteur apprécient la nouvelle reconnaissance de l’ESS, ils et elles exhortent le gouvernement à mettre en œuvre une programmation pluriannuelle, en exprimant leurs inquiétudes quant à une distorsion potentielle du modèle de l’ESS avec l'implication croissante du secteur privé à but lucratif. Sans garde-fous, ils et elles craignent que les « contrats à impact » transforment les projets de l’économie sociale et solidaire en investissements financiers, compromettant alors les objectifs sociaux de ce secteur. Le CNAJEP fait remarquer que, malgré les efforts du ministre, les politiques continuent de favoriser les entreprises à but lucratif, ce qui pourrait porter atteinte à la mission de l’ESS de servir l'intérêt général.
Dans la loi finances 2024, 22,4 millions € seulement des 491 milliards € du budget de l’État (soit 0,0046 %) ont été attribués à l’ESS, une hausse de 8,2 % par rapport au budget alloué l’année précédente, mais qui a été totalement annulée avec l’inflation, avec son pourcentage au sein du budget de l’État qui n’a pratiquement pas évolué cette dernière décennie.[4] Les représentant·e·s de l’ESS qualifient cette attribution de « risible » au vu des contributions significatives du secteur à l’économie : 10 % du PIB du pays et 14 % des emplois du secteur privé. Le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire déplore également le « manque de volonté politique et de ressources » malgré la promesse d’intensifier le soutien au secteur figurant dans la loi sur l’économie sociale et solidaire, adoptée en 2014 à l'initiative de Benoît Hamon, qui était alors ministre délégué.[5]
[1] Conseil supérieur de l'Economie sociale et solidaire (2022), Avis du Conseil supérieur de l'Economie sociale et solidaire sur le bilan de la loi 2014 : (https://www.economie.gouv.fr/files/files/2023/Avis-CS-ESS-Bilan-loi-2014.pdf
[2] Caisse des Dépôts (2023), "Olivia Grégoire veut "renforcer la présence et la connaissance" de l'économie sociale et solidaire dans les territoires : Olivia Grégoire veut "renforcer la présence et la connaissance" de l'économie sociale et solidaire dans les territoires (banquedesterritoires.fr)
[3] Observatoire citoyen de la marchandisation des associations (2023), Marchandisation et financiarisation des associations. Décryptage d'un processus : https://www.associations-citoyennes.net/1er-rapport-de-lobservatoire-de-la-marchandisation-des-assos-17-fev/
[4] Conseil supérieur de l'Economie sociale et solidaire (2022), Conseil supérieur de l'Economie sociale et solidaire sur le bilan de la loi 2014 : Avis-CS-ESS-Bilan-loi-2014.pdf (economie.gouv.fr)
[5] Reporterre (2023), "l'Economie sociale et solidaire : un acteur de poids au budget public minuscule" : https://reporterre.net/L-economie-sociale-et-solidaire-un-acteur-de-poids-au-budget-public-minuscule

Note 47
Inclusion et protection sociales
Éradication de la pauvreté
Bien que plusieurs mesures aient été prises en 2023 pour réduire la pauvreté, la situation globale s'est aggravée et les inégalités sociales sont en hausse, selon le GSN. Malgré les dispositifs de sécurité tels que le revenu de solidarité active (RSA), un revenu minimum garanti aux bénéficiaires pouvant démontrer qu'ils et elles cherchent activement un emploi ou une formation, la pauvreté a empiré. Ceci est dû en grande partie au manque de stratégie sur le long-terme et au recours aux solutions d’urgence, plutôt que la réalisation d’investissements dans le logement social abordable. En 2023, la caisse d’allocations familiales (CAF), l'organisme public chargé de la distribution des aides sociales en France, a payé sa prime de Noël habituelle à près de 2,3 millions de foyers à faibles revenus bénéficiaires des minimas sociaux. En particulier, la prime pour les familles monoparentales a été augmentée de 35 %.[1] Cette prime a beau être un bon exemple des progrès dans l’éradication de la pauvreté, d'autres mesures législatives, telles que la réforme des retraites ou la loi immigration citée auparavant, ont accru la précarité de certains groupes, menant à d’importantes agitations sociales. La Ligue des droits de l’Homme critique la stigmatisation faite par le gouvernement des personnes les plus pauvres, en citant les activités obligatoires pour continuer à bénéficier du RSA et la relance des mesures anti-mendicité, qui cherchent à dissimuler la pauvreté, tout particulièrement à l'approche de grands événements tels que les Jeux olympiques 2024 à Paris. La pauvreté est également stigmatisée par certains discours officiels néolibéraux, qui insistent sur la responsabilité personnelle et ignorent la nature structurelle de la pauvreté. Ceci fait écho à un commentaire dédaigneux du président Macron, qui avait déclaré lors de son premier mandat qu’il était simple de trouver du travail, qu’il suffisait de « traverser la rue pour en trouver ». [2]
La loi sur la réforme des retraites d’avril 2023 qui repousse l’âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans et prolonge la durée d’assurance pour bénéficier du taux plein, a reçu énormément de critiques. La CGT (l’un des principaux syndicats en France) affirme que la réforme ne fera que faire baisser les retraites, en particulier celles étant censées être de 85 % du SMIC et qu’elle n’améliorera pas le taux d’emploi des travailleurs et travailleuses plus âgées, malgré ce qu’a déclaré l'ex-Première ministre Élisabeth Borne. La loi a déclenché un large mouvement de protestations, les syndicats revendiquant plus d’un million de manifestant·e·s dans tout le pays et l’emploi de mesures excessives de répression par la police lors des manifestations.[3] La Ligue des droits de l’Homme considère la réforme des retraites comme une érosion de plus de l’État social, selon le GSN.[4] Faire augmenter le nombre d'années requises pour obtenir le taux plein de retraite affecte de façon disproportionnée les femmes et les autres personnes dont la carrière n'est pas linéaire, réduisant par-là leur pension de retraite. Une autre annonce problématique a été faite par l’ex-Premier ministre Gabriel Attal sur l'abolition de l’Allocation de Solidarité Spécifique (ASS), qui soutient les individus au chômage ayant épuisé leurs droits aux prestations de chômage.[5] Ces personnes devraient passer au système du RSA. À la différence de l’ASS, il sera nécessaire de déclarer 15 heures d’activités (emploi ou formation) par semaine à partir de 2025 pour pouvoir bénéficier du RSA.[6] Pour le moment, le nouveau gouvernement n’a pas encore décidé de l'abolir. Si c'est le cas, ce changement, aux côtés des autres politiques, devrait aggraver la pauvreté chez les personnes âgées et les groupes vulnérables.
L'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » est une initiative sur 68 territoires français qui vise à lutter contre le chômage longue durée par le biais de l'action locale en employant des individus au chômage depuis plus d’un an à des postes de l'économie sociale et solidaire, comme les centres de recyclage et les épiceries solidaires.[7]
Bonne pratique
Le projet « Open Badge » de la Ligue de l’enseignement aide les personnes sans-emploi qui ne suivent ni études ni formation (NEET, « Not in Education, Employment, or Training ») et en décrochage scolaire à se diriger vers l'apprentissage, via un outil numérique qui valide leurs compétences et aptitudes qui ne sont pas reconnues officiellement par des diplômes.[8]Ce programme cible les jeunes venant de zones défavorisées, pour les aider à mieux comprendre leurs capacités et leurs objectifs de carrière et améliorer leur accès à des possibilités de formation et d’emploi.
[1]Légifrance (2023), “Journal officiel électronique authentifié n° 0290 du 15/12/2023“ : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048567360#:~:text=%27ann%C3%A9e%
20...-,D%C3%A9cret%20n%C2%B0%202023%2D1184%20du%2014%20d%C3%A9cembre%
202023%20portant,de%20l%27allocation%20%C3%A9quivalent%20retraite
[2]BBC (2018), "Macron tells young jobseeker : "Je peux vous trouver un emploi en traversant la route" : Macron dit à un jeune demandeur d'emploi : Je peux vous trouver un emploi en traversant la route" (bbc.com)
[3] CGT(2023), "Reculer l'âge de la retraite va prolonger la précarité des seniors" : https://www.cgt.fr/actualites/france/retraite/mobilisation/reculer-lage-de-la-retraite-vaprolonger-la-precarite-des-seniors
[4] Ligue de l'Enseignement (2023), Retraites : Non à une nouvelle régression des droits sociaux : Retraites : non à une nouvelle régression des droits sociaux - LDH (ldh-france.org)
[5] Adie-Sociale.fr (2024), "Fin de l'ASS : qui est concerné ? Quelles conséquences pour les bénéficiaires ? Suppression de l'ASS : quels impacts pour les bénéficiaires ? Aide-Sociale.fr
[6] Service-public.fr (2024), " RSA : expérimentation des 15 heures d'activité dans 29 nouveaux départements à partir de mars 2024 " : Prestations sociales -RSA : expérimentation des 15 heures d'activité dans 29 nouveaux départements à partir de mars 2024 | Service-Public.fr
[7] La Ligue de l'enseignement (2022), "Rapport d'activité du centre https://laligue.org/uploads/sites/2/2023/06/ra2022vf12052023.pdf
[8] Vie-publique (2023), " Territoires zéro chômeur de longue durée : un pas vers le droit à l'emploi ? ", https://www.vie-publique.fr/eclairage/286834-territoires-zero-chomeur-de-longue-duree-versun-droit-lemploi

Score 0
Espace civique
Laisser de l’espace aux organisations de la société civile
En 2023, la situation de l’espace de la société civile en France s'est particulièrement aggravée. Le CIVICUS Monitor classe l’espace civique de la France comme « rétréci », un statut qui n’a pas changé depuis 2018.[1] Cette classification indique que même si les individus et les organisations de la société civile peuvent exercer leurs droits à la liberté d’association, de rassemblement pacifique et d'expression, ces droits sont souvent violés par le harcèlement, les arrestations ou les agressions à l’encontre des opposant·e·s aux personnes au pouvoir. Le GSN souligne l’usage excessif de la force lors des manifestations et la pression politique exercée sur les médias.
Depuis les attentats de l’État Islamique de novembre 2015 à Paris, l’espace de la société civile n’a cessé de s’éroder en France, un phénomène exacerbé par les mesures anti-terroristes qui ont restreint les libertés. Parmi les abus se trouvent les perquisitions dans les bureaux d'associations, les interdictions de certaines manifestations et les convocations aux commissariats.[2] En octobre 2023, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a ordonné aux préfets d’interdire les manifestations de soutien à un cessez-le-feu en Palestine, par peur que ces rassemblements ne soient perçus comme un soutien à l'organisation terroriste du Hamas. Toutefois, le Conseil d’État a statué qu’il n’avait pas l’autorité de le faire. Les préfets des régions et des départements ont tout de même suivi cette directive, mais les tribunaux ont suspendu un grand nombre de leurs ordonnances. La Ligue des droits de l’Homme et d’autres organisations, notamment Amnesty International et Human Rights Watch, ont condamné ces violations au droit de manifester. Des restrictions similaires se sont produites après que la police a abattu le jeune Nahel Merzouk en juin 2023,[3] et les interdictions et la répression policière ont considérablement augmenté lors des manifestations.[4] Cette tendance suggère une suppression inquiétante de la mobilisation de la société civile, souligne le GSN. La répression violente contre la désobéissance civile en France s’est intensifiée, en particulier lors des manifestations non autorisées de Sainte-Soline contre les méga bassines,[5] critiquées pour bénéficier à l’agrobusiness aux dépens des ressources en eau. Selon la Ligue des droits de l’Homme, des manifestant·e·s pacifiques et des élu·e·s ont été ciblé·e·s, et les services d’urgence ont été empêchés de fournir leur assistance.[6] La violence a notamment été exercée avec l’emploi d’armes militaires, blessant 200 personnes, dont 47 auraient été blessées par les forces des sécurité lors de la manifestation du 25 mars. Un usage semblable et excessif de la force avait été observé lors du mouvement des gilets jaunes.
Introduit en 2021 par la loi anti-séparatisme, le Contrat d’engagement républicain (CER) a été critiqué par les organisations de la société civile comme portant atteinte à la liberté d’association. Le CER exige des associations sollicitant des subventions de l’État qu'elles s’alignent sur « les valeurs républicaines », ce que certaines OSC considèrent comme une dérive autoritaire qui étouffe les actions de protestation et menace les libertés démocratiques.[7] Une hausse considérable a été constatée des dissolutions administratives d’associations et d’OSC : ces dissolutions ont atteint un total de 39 entre 1970 et 2017 sous 6 présidents différents, alors que sous la présidence actuelle de Macron, on en dénombre 37.[8] Cette tendance est inquiétante étant donné que la liberté d’association est un principe fondamental constitutionnalisé par la décision du Conseil constitutionnel français le 16 juillet 1971. En mars 2023, le ministre de l’Intérieur a annoncé la dissolution du mouvement Les Soulèvements de la Terre, en vertu de la loi anti-séparatisme de 2021[9]pour avoir prétendument utilisé et incité à la violence lors des manifestations contre les méga bassines à Sainte-Soline. Plusieurs manifestant·e·s ont été poursuivi·e·s et cinq sont accusé·e·s uniquement d’avoir participé à la mobilisation, même si aucune action violente ne leur a été imputée.
La Ligue des droits de l’Homme a fait part de grandes inquiétudes vis-à-vis de la criminalisation des mouvements sociaux et des activistes et concernant les restrictions à la liberté de manifester. La Ligue a également lancé une pétition pour mettre fin aux tactiques dangereuses employées par la police lors des manifestations.[10]En avril 2023, le ministre de l'Intérieur Darmanin a suggéré que les aides publiques allouées à la Ligue des droits de l’Homme pourraient être reconsidérées en raison des actions de la ligue et de ses déclarations à la suite des événements. En réponse, la Ligue des droits de l’Homme a demandé au président Macron de condamner ces remarques.[11] Pour défendre la Ligue des droits de l’homme, le Forum civique européen, Greenpeace France et Amnesty International France, aux côtés de la Coalition Libertés Associatives, ont publié une déclaration collective contre les attaques à la liberté d’association et à la pluralité de la démocratie.[12] La pétition contre la dissolution des Soulèvements de la Terre a réuni plus de 70 000 signatures. Le 9 novembre 2023, le Conseil d’État a annulé cette dissolution, statuant que la sanction était disproportionnée par rapport aux actions en question. L’instance a déclaré que, même si elle condamnait la provocation à la violence contre la pauvreté, cela ne justifiait pas la dissolution en l'absence d’appels à la violence contre des individus.[13]
Nombre d’organisations, y compris la Défenseure des droits, le Conseil de l’Europe, la Commission européenne et des organismes de l’ONU, ont fait part de leur profonde inquiétude face au virage troublant opéré sur les libertés civiles. Le rapport annuel 2023 de la Défenseure des droits souligne une banalisation préoccupante de l’atteinte aux droits et aux libertés en France.[14] Les plaintes ont augmenté de 10 %, signe d’une détérioration de l’état de droit. Les principaux problèmes ont à avoir avec les discriminations, les difficultés à accéder aux droits en raison de la dématérialisation des services, et les violations des droits des personnes étrangères et des enfants. Le rapport fait également remarquer une hausse des saisines par les lanceurs et lanceuses d’alerte et des plaintes contre les contrôles d'identité discriminatoires.
[1] Civicus (2023), France moniteur : https://monitor.civicus.org/country/france/
[2] Ligue des droits de l'Homme (2023), "L'interdiction générale des rassemblements en faveur de la paix" : https://www.ldh-france.org/linterdiction-generale-des-rassemblements-en-faveur-de-la-paix/
[3] Le Monde (2023), "Mort de Nahel M. : le policier français qui a abattu l'adolescent est remis en liberté surveillée" : https://www.lemonde.fr/en/france/article/2023/11/15/death-of-nahel-m-french-police-officerwho-shot-teen-dead-released-under-supervision_6257947_7.html
[4] Civic space watch.eu (2023), "France : Après que les émeutes se soient étendues à tout le pays, les acteurs internationaux expriment leurs inquiétudes quant à la violence policière en France" : https://civicspacewatch.eu/france-after-riots-spread-across-the-country-international-actors-express-concerns-over-police-violence-in-france/
[5] Grands réservoirs artificiels destinés à stocker l'eau pour l'irrigation agricole pendant les périodes de sécheresse.
[6] Civic Space Watch (2023), "FRANCE : La police a répondu aux manifestations environnementales à Sainte-Soline avec une violence inouïe" : https://civicspacewatch.eu/france-police-clash-with-environmental-activists-in-sainte-soline/
[7] Vie-publique (2021), Loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République : Loi séparatisme, respect des principes de la République 24 août 2021 | vie-publique.fr
[8] FranceInter (2023), "Infographies - Jamais autant d'organisations n'ont été dissoutes que depuis l'élection d'Emmanuel Macron" : INFOGRAPHIES - Jamais autant d'organisations n'ont été dissoutes que depuis l'élection d'Emmanuel Macron | France Inter (radiofrance.fr)
[9] Le Monde (2023), "Sainte-Soline : le ministère de l'intérieur engage la dissolution du mouvement Les Soulèvements de la Terre" : https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/03/29/sainte-soline-le-ministere-de-l-interieur-engage-la-dissolution-du-mouvement-les-soulevements-de-la-terre_6167390_3244.html
[10] Ligue des droits de l'Homme (2023) "Stop violences policières : mobilisez-vous !" : Stop violences policières : mobilisez-vous ! - LDH (ldh-france.org)
[11] LesEchos (2023), "Les propos de Gérard Darmanin sur la LDH créent la polémique" : https://www.lesechos.fr/politique-societe/gouvernement/les-propos-de-gerald-darmanin-surla-ldh-creent-la-polemique-1932899
[12] LaCoalition (2023), ""Nous continuerons", communiqué collectif de soutien à la LDH" : https://www.lacoalition.fr/Nous-continuerons-communique-collectif-de-soutien-a-la-LDH
[13] Conseil-Etat (2023), "Soulèvements de la Terre, GALE, Alvarium, CRI : le Conseil d'Etat précise les critères justifiant la dissolution d'une association ou d'un groupement" : https://www.conseil-etat.fr/actualites/soulevements-de-la-terre-gale-alvarium-cri-le-conseil-d-etat-precise-les-criteres-justifiant-la-dissolution-d-une-association-ou-d-un-groupement
[14] Defenseurdesdroits (2024), "Rapport annuel d'activité 2023 : La banalisation des atteintes aux droits et libertés inquiète la Défenseure des droits" : https://www.defenseurdesdroits.fr/rapport-annuel-dactivite-2023-la-banalisation-des-atteintes-aux-droits-et-libertes-inquiete-la-597

Score 55
Transition verte socialement juste
Accès à la mobilité durable et précarité des transports
Selon les membres du GSN, des progrès sont à signaler dans les politiques de transition juste, telles que la hausse des remboursements pour les déplacements domicile-travail respectueux de l’environnement et des investissements consistants dans les infrastructures cyclables. Toutefois l’augmentation des tarifs du train et des autres formes de transports publics exacerbe les inégalités sociales et limite l’accès à des déplacements durables. L’incertitude concernant les financements soulève des inquiétudes quant au caractère abordable et à l’accessibilité.
En 2023, les prix des billets de train en France ont augmenté en moyenne de 5 % et d’autres hausses sont attendues, à hauteur d’environ 7,6 % en 2024 et de 4 % en 2025 et en 2026.[1] Cette hausse des tarifs pourrait limiter l’accès au transport ferroviaire, qui reste pourtant crucial aux voyages durables, sans nécessairement améliorer ses services. Le ministre français de la Transition écologique a fait remarquer que les hausses des tarifs étaient modérées par un bouclier des tarifs imposé par l’État, mais les prix du TGV ont augmenté de 13 % en 2023, alors que l'inflation tournait autour des 6,2 %. En février 2023, le gouvernement a annoncé un plan de 100 milliards € destiné à moderniser le réseau ferroviaire d’ici à 2040, avec une allocation annuelle de 500 millions €. [2] Cependant, un tiers seulement de ce budget proviendra de l’État. Le reste sera financé par les régions, l’UE, le secteur privé et les fonds de la SNCF.[3] Le peu de détails quant aux sources de financement du plan suscite des inquiétudes non seulement chez les syndicats ferroviaires, mais également au Sénat, où une grande majorité craint que ce plan n’ouvre la voie à la privatisation progressive qui finira par être totale, de la SCNF.[4] Ceci pourrait soit réduire l'accès aux services ferroviaires ou mener à des prix toujours plus hauts des billets de train, afin de payer les nouveaux investissements.
En 2023, les tarifs des transports publics, en particulier dans la région de Paris, ont beaucoup augmenté. Le prix du Pass Navigo mensuel a subi une hausse de 11,8 %, soit 84,10 €, alors que le pass hebdomadaire a fait un saut de 31,6 %, pour atteindre les 30 €. Cette hausse a été partiellement compensée par un plan de 200 millions € de la part de l’État pour soutenir les transports publics, avec notamment l'inclusion d’un bouclier de tarifs limitant les futures augmentations à l'inflation +1 %.[5] Fin 2023, un nouvel accord a été signé entre l’État et l’autorité des transports régionaux (Île-de-France Mobilités - IDFM), qui visait à préserver le pouvoir d’achat des habitant·e·s en fournissant des ressources additionnelles pour le réseau de transports et en augmentant la taxe de séjour des touristes, fixée par le gouvernement national. Les autorités locales se sont également engagées à accroître leurs contributions aux réseaux de transports.[6] Toutefois, une pénurie de conducteur·rice·s a provoqué d’importantes interruptions, notamment de longues attentes et des annulations de services. En mars 2023, 6 600 postes étaient à pourvoir à la RATP (entreprise de transport public de la région Île-de-France), dont 2 700 postes de chauffeur·se·s de bus. Les bas salaires et le caractère astreignant de ce travail le rendent de moins en moins attractif.[7]
Le gouvernement français a réalisé des investissements clés en 2023 pour booster la mobilité durable. Le Forfait mobilités durables offre désormais aux employé·e·s jusqu’à 800 € par an s’ils et elles choisissent un moyen de transport alternatif pour leurs trajets domicile-travail tels que les véhicules personnels non motorisés ou le co-voiturage.[8]Les salarié·e·s du secteur public peuvent recevoir jusqu’à 300 € par an et le forfait peut être combiné avec les remboursements pour l’usage du transport public. Le « Plan vélo et marche 2023-2027 ». [9] a été lancé avec un budget de 2 milliards €, dans le but de développer la pratique du vélo chez les Français et les Françaises. Parmi les objectifs, on retrouve la formation de 850 000 enfants par an, la fourniture d’un soutien financier pour l’achat d’un vélo et la construction de 100 000 km de pistes cyclables sécurisées d’ici à 2030. Le plan cherche également à mettre en place une économie intégrale du vélo, en intégrant celui-ci dans des secteurs tels que le tourisme et les services de livraison.
[1] Sénat (2023), "Augmentations des tarifs des billets de train et plan d'investissement pour le ferroviaire" : https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ230306010.html
[2]Public Sénat (2023). "Le plan ferroviaire à 100 milliards d'euros est accueilli avec vigilance au Sénat" : https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/le-plan-ferroviaire-a-100-milliards-d-euros-est-accueilli-avec-vigilance-au#:~:text=vigilance%20au%20S%C3%A9nat-,Le%20plan%20ferroviaire%20%C3%A0%20100%20milliards%20d'euros%20est%20accueilli,sur%20le%20mode%20de%20financement.
[3] Sudouest.fr avec AFP (2023), "Transport : le gouvernement distribue les premiers crédits du plan à 100 milliards d'euros pour le ferroviaire" : https://www.sudouest.fr/economie/transports/transport-le-gouvernement-distribue-les-premiers-credits-du-plan-a-100-milliards-d-euros-pour-le-ferroviaire-17891433.php
[4] Fédération CGT des services publics (2021), "La SNCF doit rester 100 %" : publique : Fédération CGT des services publics : La SNCF doit rester 100% publique (cgtservicespublics.fr)
[5] Le Parisien (2022), "Passe Navigo : vers un abonnement mensuel à 84,10 euros en janvier, une hausse de 11,8 %" : https://www.leparisien.fr/info-paris-ile-de-france-oise/transports/tarif-du-navigo-vers-un-abonnement-mensuel-a-8410-euros-en-janvier-en-hausse-de-118-06-12-2022-T5WU2A4HENGJVIIT7JR3WEAK2M.php
[6] Ile de France mobilités (2023)," Le passe Navigo coûtera 86,40 € en 2024. Pourquoi ?" : https://www.iledefrance-mobilites.fr/actualites/passe-navigo-augmentation-pourquoi
[7] The conversation (2023), "Pénurie de main-d'œuvre : mais où sont donc passés les conducteurs de bus ?" : https://theconversation.com/penurie-de-main-doeuvre-mais-ou-sont-donc-passes-les-conducteurs-de-bus-202065#:~:text=Le%20manque%20de%20conducteurs%20reste,principalement%2C%20du%20manque%20de%20candidats
[8] Entreprendre.Service-Public (2024), "Paquet Mobilité Durable" : Paquet Mobilité Durable (FMD) | Entreprendre.Service-Public.fr
[9] Info.gouv (2023), Le Plan vélo et marche 2023-2027 est lancé : Lancement du plan vélo et marche 2023-2027 en FranceLEVA-EU